Il est urgent de sauver l’Homme de
ses dérives et de ses turpitudes, sinon la planète va le laisser
tomber.
Il faut sauver la Planète, notre « Terre-
patrie », car elle est menacée par la folie des Hommes. Ce ne
sont plus des « fantasmes d’écologistes » ou des
visions de quelques catastrophistes ignorants, mais des alertes de
plus en plus fortes de scientifiques du monde entier. L’émergence
de nouvelles puissances (la Chine, l’Inde, le Brésil,…/…) qui
suivent le « modèle » des pays dits « développés »
ne fait qu’accélérer le processus de dégradation de notre
biosphère, d’épuisement des ressources, de perturbation du climat
et d’accentuation du fossé avec le monde des pauvres et des
exclus. Pourtant tous ces pays et ces peuples ont un droit légitime
à accéder enfin à leur propre développement.
Le sauvetage de la planète est-il
en cours ? Il est clair que des
initiatives et des actions engagées ici et là dans le monde, sont
exemplaires et encourageantes, mais elles ne sont ni à la hauteur
des défis connus, ni des moyens qu’exigent l’urgence et
l’importance des enjeux. Au niveau des responsables politiques et
économiques, on peut appliquer la phrase «
la maison brûle… et ils regardent ailleurs ! » .Ils
font comme si de rien n’était, comme si « on avait bien le
temps », comme si « la main invisible du marché »
allait apporter la solution, à moins que ce ne soit la main
divine…!...Hélas ! Le temps joue contre nous, et comme le
disait il y a plus de trente ans René Dubos «
la Terre a besoin des Hommes ! » pour que les Hommes
puissent continuer à vivre sur la Terre.
Il faut sauver l’Homme de ses dérives et de ses
turpitudes, de l’égoïsme aveugle, de stratégies à court terme
qui produisent du profit pour aujourd’hui et des catastrophes
humaines et écologiques, technologiques et financières pour demain.
Ce ne sont plus les exemples qui manquent. Pourtant partout
« on fait l’autruche » !
Faut-il miser sur la démocratie
représentative, si souvent « mal en
point », en comptant sur le sursaut des électeurs ? Oui
bien sûr, mais la crise politique et
démocratique est profonde, et nos élus majoritairement peu motivés
et mal préparés nous proposent des décisions incertaines et
longues à venir.
Faut-il aller vers une « dictature
douce » ? (Hans Jonas – Principe
responsabilité) qui propose de confier les décisions essentielles à
un groupe de scientifiques et de sages, pour préserver les intérêts
moraux et matériels des Générations Futures.
Non, c’est impensable ! mais le défi
de l’efficacité démocratique est bien à l’épreuve.
Faut-il faire la révolution ?
quand on connaît les résultats des révolutions passées.. On
peut lire dans « le Prince » de Machiavel : « si
tu veux éviter la révolution, mon Prince, fais-la ! »
Mais la véritable révolution, celle qui ferait faire un saut en
avant, elle est moins technologique et financière, que culturelle et
citoyenne…
Faut-il tout simplement commencer
par se changer soi-même ? pour
contribuer à changer l’humanité, et par conséquent sauver la
Planète . Faire chacun notre propre révolution, en changeant
nos comportements et nos habitudes de vie, nos modes de penser et
d’agir ( la pire des pollutions c’est
celle de l’esprit). Mais aussi en utilisant
notre bulletin de vote à chaque élection pour choisir nos
responsables politiques, et chaque jour notre bulletin de vote
économique et citoyen avec nos achats, pour choisir nos responsables
économiques !
Faut-il miser sur l’éducation ?
dont le retour sur investissement n’est pas du court terme, mais
pour le moins du moyen terme ou du long terme, alors qu’il y a
« urgence écologique » ! C’est cependant la
seule voie possible et efficace pour engager
le changement des logiques actuelles et créer le terreau d’une
nouvelle culture pour les peuples du 21è siècle.
Mes maîtres m’ont enseigné à
l’Ecole Normale d’Instituteurs, « Il
y a éducation quand l’individu est parvenu à se construire »…
admirable programme pour la deuxième moitié du 20è siècle!
mais quels sont les fondamentaux de la construction de la personne
humaine du 21è siècle ? Bien sûr, ceux qui se sont forgés au
fil des siècles, depuis les civilisations anciennes,
méditerranéennes en particulier, dont nous sommes les héritiers,
puis du siècle des lumières et de notre révolution, puis des
Institutions issues de l’après guerre avec la déclaration
universelle des droits de l’Homme, la charte européenne des droits
fondamentaux, la déclaration sur l’accès aux services essentiels.
Il fallait refonder le socle des démocraties, sur les valeurs de
liberté et d’accès aux droits sociaux et économiques, tout en
engageant la reconstruction du Pays. Le rôle de l’école et des
mouvements d’éducation populaire imaginés et conçus dans les
maquis de la résistance (*), ont été des instruments déterminants
pour cela.
Mais la fin du vingtième siècle a
fait surgir des défis nouveaux dont
l’importance grandissante bouscule totalement les cadres de
références et les logiques anciennes : Une croissance
démographique sans précédent de 3 milliards à 6 milliards en 50
ans qui creuse le fossé entre pays riches et pauvres ; une
croissance économique exponentielle qui épuise les ressources et
dégrade gravement nos écosystèmes indispensables pour vivre ;
le boomerang du réchauffement de la planète avec les drames et les
coûts du changement climatique qui continue de s’aggraver;
une bulle financière et spéculative qui finit par éclater et
menace gravement l’économie réelle ; une économie
souterraine et maffieuse sans contrôle ( un tiers de l’économie
mondiale) active principalement sur la drogue, l’armement et le
terrorisme ; des guerres ethniques, de l’énergie, de l’eau
et des émeutes de la faim…sans oublier les risques du nucléaire,
des manipulations génétiques, des bio et nanotechnologies…
Le développement durable a le
redoutable et incontournable devoir, de s’attaquer à toutes ces
dérives qui menacent, et d’engager « les changements
nécessaires en rupture avec nos schémas anciens et familiers »
(Changer de Cap. 1990) ! Pour cela toute action d’éducation,
qui veut contribuer à la construction de la personne humaine du 21è
siècle, doit intégrer les fondamentaux et les valeurs qui pourront
permettre de relever ces nouveaux défis.
L'éducation exerce une fonction
centrale peu visible à priori, qui constitue l’essentiel du
« retour sur investissement » :
éviter des coûts sociaux, écologiques et économiques à moyen et
long terme. C'est bien là sa plus grande
difficulté: les coûts évités dans 20 ou 50 ans et plus, ça ne
mobilise pas grand monde aujourd'hui, et encore moins les budgets! Et
pourtant cette éthique du futur s'impose à
nous, sous peine de perdre notre humanité.
L’éducation, doit intégrer
pleinement l’urgence écologique, non seulement dans les programmes
d’enseignement, mais dans toutes les formes d’éducation civique,
sociale, économique, culturelle, pour répondre à l’exigence
éthique du futur et « aux besoins du présent, en particulier
des populations les plus démunies à qui il convient d’accorder la
plus grande priorité » (citation RIO,
définition du développement durable). L'éducation ne nous dit pas
« Voilà ce qu'il faut faire », elle nous dit « Voilà
les outils pour vous permettre de décider ce que vous voulez faire
et comment ».
L’éducation pour un développement
durable s’inscrit bien dans toutes les disciplines des programmes
d’instruction, mais aussi dans tous les compartiments de l’activité
humaine, pour une écologie sociale, une économie solidaire, et un
bien être physique, psychique et moral, dans la paix .L’éducation
pour un développement durable c’est le terreau vers une nouvelle
culture pour les peuples du 21è siècle.
Je donnerai ici trois exemples dans des
domaines essentiels, qui proposent un renouvellement d’actions
innovantes en prise directe avec les besoins réels :
1. L’Ecole
peut et doit renouer avec une grande ambition :
l’école a été le creuset des valeurs de
la République au 20è siècle. Elle a aussi été un acteur
essentiel, avec les communes et les villages, dans la connaissance de
l’histoire sociale locale et l’inventaire des richesses
patrimoniales et architecturales, grâce une multitude de
« monographies » faites par et avec les élèves, les
institutrices et instituteurs.
Aujourd’hui, l’enjeu central est
que l’être humain réintègre l’écosystème du Vivant dont il
est partie prenante, mais dont il est seul à disposer de la faculté
de créer, de la conscience et de la responsabilité. Aussi la claire
conscience de la responsabilité de l’Homme pour respecter et
protéger la diversité du Vivant dont il fait partie, implique de
développer sa connaissance : la reprise de formes de
« monographies du Vivant »
réalisées dans les écoles, avec les outils technologiques
d’aujourd’hui, sur la diversité de la faune et de la flore de
nos territoires, pourra contribuer à réconcilier l’être humain
avec son milieu ; un deuxième objectif complémentaire simple
serait de créer au moins « 10m2 de
potager par classe » dans chaque école et
d’engager une démarche pédagogique innovante sur l’alimentation
comme « la fête des plats nets ».
Tous les acteurs et partenaires de l’école y seront associés
(*2). Belle aventure pour une belle ambition! Et belle occasion d'un
large partenariat productif de valeurs et de sens, dans la
coopération, la simplicité et la bonne humeur.
2.
Développer une action d’écologie sociale et citoyenne :
réponse concrète et globale à la précarité énergétique qui
touche près d’un quart de la population dans notre pays dit riche
( 5è puissance mondiale) par le constat des impayés d’électricité,
gaz et énergie, et eau, et le non accès à ces services essentiels
pour certains. Cela s’ajoute à la précarité de l’emploi, du
logement, de la santé, de l’alimentation, des loisirs et de la
culture, du lien social.
L’écologie sociale et citoyenne,
c’est l’intégration de la dimension écologique dans la
formation et l'activité professionnelle des travailleurs sociaux,
animateurs socio-éducatifs et culturels, pour une éducation
citoyenne pour touts mais particulièrement vers les familles en
difficulté, qui permette d’apporter une réponse globale
« économique / écologique / sociale » aux problèmes de
la vie quotidienne des gens : électricité, chauffage, eau,
déchets, achats alimentaires et ménagers, hygiène d’habitat,
déplacements, loisirs et culture, …etc…
C’est en même temps la création
d’un nouveau métier « Agent médiateur en écologie
sociale », pour travailler aussi bien dans les collectivités,
les bailleurs sociaux, les co-propriétés, les Espaces Info-Energie
du réseau ADEME, les centres sociaux et culturels, les lieux
d’accueil pour familles,… (voir www.solicites.org
). C'est, à peu de chose près, le même métier que les «
conseillers d'éducation populaire » imaginés dans les années
60, mais qui intègre aujourd’hui l’urgence sociale, écologique
et économique, et les ruptures du lien civique et social.
Nous sommes en présence d’une
éducation au développement durable, en prise directe avec les
besoins du présent, en particulier des populations les plus
démunies.
3. Pour une
économie solidaire, avec un réseau « SOL » monnaie
complémentaire : cela
concerne bien sûr les structures d’économie sociale et solidaire
à but non lucratif, dans des statuts le plus souvent associatifs et
coopératifs, dont le fonctionnement en réseau permettra le
développement des activités et de l’emploi. Mais cela concerne
aussi toutes les entreprises, quel qu’en soit le statut :
quelle entreprise peut se déclarer non solidaire des enjeux
écologiques et humains qui sont devant nous ? quelle entreprise
peut encore ne pas assumer sa part d’efforts et de
responsabilité face à ces défis au risque de se perdre elle
même? L’éducation pour un développement durable, c’est aussi
la construction progressive d’une nouvelle définition de
l’entreprise, plus solidaire, plus citoyenne, plus responsable tout
simplement, comme l’indique la démarche de RSE :
responsabilité sociétale de l’entreprise. Cette éducation là
s’adresse aux dirigeants, aux cadres et aux salariés, aux
syndicalistes, aux actionnaires, et à tous les consom’acteurs !
Pour les petites entreprises c’est autant leur survie qui est en
cause, que leur intégration solidaire sur leurs territoires
d’implantation. Chaque entreprise de l'économie réelle est amenée
à devenir sociale et solidaire, économique et équitable,
écologique et éthique, bref responsable, sous peine de disparaître
sous le risque de réputation et des réglementations.
Nous proposons de créer un « Réseau
d’entreprises volontaires et solidaires » avec un creuset de
valeurs communes, qui adoptent la monnaie complémentaire « SOL »,
un instrument d’échanges qui traduise et développe ces valeurs
dans les actions, comportements et gestes des citoyens :
Un réseau « SOL » est un
extraordinaire outil d’éducation au développement durable, pour
se réapproprier aussi la dimension monétaire de l'économie et des
échanges : solidarité, éthique, équité, écologie,
civisme, paix et culture. En cela c'est une action novatrice
d'éducation populaire.
Vers un bien être physique,
psychique et moral, dans la paix c’est la
finalité que l’on peut formuler pour tout être humain :
l’éducation permet d’accéder à l’autonomie et à la relation
sociale ; la santé permet une vie productive et saine ;
les deux permettent d’envisager l’épanouissement
et le bien être, dans l’amour, l’humour et la bonne humeur, clés
incontournables pour construire un futur désirable.
Quelle belle utopie ! Et pourquoi
ne pas oser ? Parce que ce serait trop difficile ? Ecoutez
Sénèque :
« Ce n’est pas parce que les
choses sont difficiles qu’on n’ose pas, c’est parce qu’on
n’ose pas que les choses sont difficiles ».
En fait il vous est proposé de
troquer «l’objectif de l’AVOIR les uns contre les
autres », pour « l’objectif du BIEN ETRE les uns avec
les autres », et pour cela d’avoir la grande humilité d’une
immense ambition : la rencontre des
Hommes et des Femmes de volonté, pour que l'éducation pour un
développement durable, devienne l’éducation populaire du 21è
siècle.
Michel Mombrun
*1. Après 1940, face à la menace
nazie et la perte de nos libertés, des hommes et des femmes de
France et du monde se sont retrouvés, au-delà de leurs différences,
pour sauver l’essentiel, la liberté : Bénigno Caceres,
charpentier, émigré républicain espagnol, l’un des fondateurs du
mouvement « Peuple et Culture » écrivait alors, ce beau
livre « la rencontre des Hommes » à propos de la
résistance dans le Vercors qui a fait naître à la libération des
mouvements d’éducation populaire comme « Peuple et
Culture ». Aujourd’hui, il s’agit de sauver la vie, de
sauver l’humanité. Peut- être convient-il de renouer avec la
démarche de nos Pères et reprendre le chemin de « la
rencontre des Hommes » de volonté .
*2. Un projet pédagogique innovant et
original d’éducation au développement durable est proposé par
SoliCités en Essonne : « la Fête des plats nets ».
Sur l’objectif d’organiser un repas festif en fin d’année, la
démarche propose de passer en revue 15 thèmes liés à
l’alimentation et l’agriculture…/…en
associant tous les partenaires de l’établissement et de la commune
sur un, deux ou trois trimestres..